23 avril 2006

 

Pouvons-nous encore faire quelque-chose ? Oui : Consommer autrement !

La tragédie actuelle est que chacun de nous se vit comme écrasé par un processus global sur lequel il ne peut apparemment rien. Est-ce en triant gentiment mes déchets ou en économisant l’eau et le gaz dans ma petite commune de France que je vais changer quoi que ce soit aux grands dérèglements planétaires ? Trois personnalités actives sur le front écologique pensent qu’il y a encore quelque chose à faire. Trois points de vue différents qui ont un point commun : c’est d’abord parce que nous sommes, quotidiennement, des consommateurs, que nous avons en main, collectivement, un levier extraordinaire. Si nos responsables politiques étaient courageux, ils placeraient ce thème brûlant au centre du débat !
François Lemarchand : « Emparons-nous de la locomotive devenue folle ! »Optimiste né, François Lemarchand, patron des magasins Nature et Découvertes, dont la fondation soutient beaucoup d’associations écologiques, résiste au défaitisme qui nous gagne facilement à l’énoncé de l’état du monde. Il n’est pas le seul.
« Et si, plutôt que de nous laisser passivement emporter à bord du train mondial devenu fou, nous nous emparions de la locomotive et prenions les gouvernes en main ? Comment ? Les entreprises détiennent un pouvoir majeur, certes, mais elles ne sont pas toutes-puissantes. Elles ont deux talons d’Achille : leurs clients et leurs employés. Si les premiers désertent et cessent d’acheter, l’entreprise est fichue. Même chose si les seconds ne sont plus motivés et font du mauvais travail. Or les clients et les employés, c’est nous ! « Ces propos sont-ils exagérément optimiste ? Pas si sûr… En dix ans, le nombre des “alter-consommateurs” (attentifs à la qualité, bio entre autres, des produits et à l’éthique de la production) est passé de 4% de la population à 25%, alors que celui des “hyper-consommateurs” (boulimiques inattentifs) chutait de 18% à 8%. Certes, la plupart d’entre nous demeurent schizophrènes, rêvant d’une vie plus simple, sans cesser de rêver à la croissance classique. Mais de plus en plus, nous faisons la différence entre croissance quantitative et développement qualitatif… »
(Propos tenus aux 3° Rencontres Écologie et Spiritualités, organisées par le WWF-France et l’Institut bouddhiste de Karma Ling, en octobre 2004)
Une force considérable La consommation responsable peut-elle être un levier politique et un facteur de transformation ? Les militants d’Action Consommation y croient aussi. Pour transformer le pouvoir d'achat en pouvoir d'agir, cette association interpelle les pouvoirs publics, les institutions, les entreprises et organise des campagnes et des débats sur les OGM, l’alimentation, la publicité, l’habitat, le tourisme… La force de cette approche, c’est qu’elle s’appuie sur une activité que nous pratiquons tous quotidiennement ! Modifier même une parcelle d’une telle énergie peut avoir des conséquences incommensurables.
À lire : Canopée, le magazine annuel de Nature & Découvertes consacre une bonne part de ses colonnes au développement durable et aux comportement éthiques.
Contact : Nature et découverte : www.natureetdecouvertes.com Action Consommation : www.actionconsommation.org

Pierre Rabhi : « Imaginons une décroissance vers l’harmonie ! »Agriculteur, écologiste, promoteur de l’idée de décroissance, Pierre Rabhi est le fondateur du réseau vert Terre & Humanisme. Il fut candidat présidentiel en 2001 et rassemble aujourd’hui autour de son nom un courant totalement incongru et pourtant formidablement pertinent : dans un monde où le mot le plus sacré est « croissance », il prône la décroissance ! Ami notamment de Nicolas Hulot, avec qui il vient de publier un livre d’entretien malgré tout positif - "Graines de possibles", éd. Calmann Lévy -, c’est un courageux qui tient son cap depuis presque un demi-siècle.
« Je pense que le concept de modernité est une imposture : elle prétend améliorer la condition humaine, alors qu’elle la saccage. Pour moi, personnellement, la seule solution a été d’organiser autre chose ailleurs. Vous vous demandez comment réformer ce système de l’intérieur, sans tout casser ? Je vous réponds : ce système est déjà mort, nous pratiquons sur lui un acharnement thérapeutique. Les politiques s’escriment à croire que la croissance va tout arranger, c’est faux. On pense que même les pays qui ont augmenté leur PIB ont vu la paupérisation augmenter dans les couches les moins favorisées. Il faut mettre nos capacités au service d’une autre logique. « Si une entreprise est florissante et qu’elle construit aussi du sens, tant mieux ! Ce que nous condamnons dans la croissance, c’est la spoliation permanente d’une majorité au profit d’une minorité et la destruction de la biosphère. On nous rétorque : “Vous voulez retourner à l’âge de pierre !” Les plus critiques sont du Tiers-Monde : “Vous nous demandez d’arrêter la machine, de ne pas en profiter nous aussi !” Les 1,2 milliards de Chinois ne sont pas du tout dans un schéma de décroissance. Notre lutte peut donc sembler vaine. Mais l’Europe, qui a été le foyer de la logique du “toujours plus”, peut devenir le foyer d’une autre logique, intégrant la protection de la planète ! C’est possible, car raisonnable. L’un des éléments de base à recréer, est de relocaliser l’économie. Il est scandaleux d’aller chercher des produits à des milliers de kilomètres, quand ils sont disponibles à cent mètres. « Cela prendra du temps, de comprendre que l’acte d’acheter comporte bien plus que de l’économique. Si on n’intègre pas la beauté, le sens, l’humain… on est fichu. »
À lire : Du Sahara aux Cévennes,Pierre Rabhi, éd. Albin Michel.
Contact : www.pierrerabhi.org

Jean-Pierre Rimsky-KorsakoffAvènement d’une nouvelle citoyenneté : la consom’action est entre vos mains !Et si le simple geste d’acheter tel ou tel aliment, dans tel ou tel magasin, était loin d’être anodin ? Autant les rebelles des années 1970 s’imaginaient qu’ils allaient facilement «rejeter la société de consommation», autant ceux des années 2000 savent que c’est impossible, mais que l’on peut consommer de manière extrêmement consciente et politique. Ancien membre de la fédération Biocoop Grand-Ouest, Jean-Pierre Rimsky-Korsakoff est l’un des penseurs de la Consom’action.
Nous sommes tous des consommateurs. Nous sommes des millions. À travers nos achats, nous modelons le monde dans lequel nous vivons. En essayant d’acheter en conscience, nous développons notre esprit critique. Mieux je serai informé sur l’origine des produits que j’achète, sur la façon dont ils sont fabriqués, sur qui j’enrichis en les achetant, mieux je pourrai les choisir en accord avec mon éthique. Acheter consciemment est une façon très concrète pour chacun d’investir dans un futur viable. On ne peut se contenter, en tant que consommateur, de rechercher systématiquement les produits les moins chers, en pensant que, de toute façon, «c’est toujours trop cher pour ce que c’est». Je suis étonné de constater que beaucoup de gens vont faire des kilomètres (donc dépenser de l’argent) pour «gagner» quelques centimes sur l’achat d’un produit. Ils ne perçoivent probablement pas que, quand il s’agit d’acheter une voiture, ils ne sont plus à mille euros près. Ce paradoxe flagrant du comportement ne serait-il soigneusement masqué par un rabâchage constant des médias ? Peut-être avons-nous besoin de prendre du recul, de relativiser ? Lorsque j’achète un produit, en ai-je vraiment besoin ? Quelle est la part de choix personnel et celle suscitée en moi par la publicité ? Face à ces propos, que certains consommateurs trouveront rabat-joie, il est juste aussi de dire qu’il y a une véritable joie à acheter le produit dont j’ai vraiment besoin, au moment où j’en ai besoin, auprès de quelqu’un qui a mis tout son savoir-faire et son cœur à le réaliser ou à le faire naître ou grandir.
À lire : Au-delà du bio : la consom’action, Jean-Pierre Rimsky-Korsakof, éd. Yves Michel (dont est extrait le texte ci-dessus). Saluons ici le travail remarquable accompli depuis vingt ans par Yves Michel, à la tête des éditions du Souffle d’Or et, depuis quelques années, d’une seconde maison, qui porte son nom et édite des ouvrages remarquables, dont le fameux Émergence des Créatifs Culturels, de Paul Ray et Sherry Anderson (www.souffledor.fr).

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