25 juin 2006
Le triomphe de la densité
Quand elle se limite à la seule conscience du corps, l'expérience humaine est celle de la densité et du poids. Alors que nous retrouvons notre nature essentielle, libre et légère, au moment où nous réalisons que la conscience précède le corps et lui succède.
Je suis la conscience avant, pendant et après avoir été identifié à ce corps. Avant la naissance du corps et à sa mort, demeure la conscience.
Cette réalisation n'est cependant pas intellectuelle. Il ne suffit pas de l'énoncer pour la vivre. Nous devons plonger profondément au coeur de cette affirmation.
Tout est conscience. La conscience est l'essence de la vie, elle en est sa « forme » essentielle. Le corps en est la forme la plus solide. Entre ces deux extrêmes, les canaux du sentiment, de l'émotion et de la pensée font le lien entre la conscience dans sa nature la plus fluide et le corps, sa forme la plus solide.
Quand l'homme a réalisé sa nature essentielle, les pensées, les émotions et les sentiments circulent librement, sans entrave, sans complaisance et sans fuite non plus. Le pont est alors établi entre le monde matériel et l'espace spirituel au point même que les deux ne semblent faire plus qu'un et l'existence personnelle est nourrie par le souffle de vie primordial.
Une telle existence est libre.
L'homme, enfermé dans le corps et la séparation inhérente à cette perception réduite de la vie, peut s'alourdir considérablement. Sa vie devient dense, pesante, entravée.
Nos pensées peuvent faire le jeu du poids et de la séparation comme elles peuvent être l'_expression de la légèreté de l'être. Deux pensées, en apparence identiques, contribuent dans un cas à l'alourdissement et la séparation et dans un autre à l'allègement et l'unité.
C'est pourquoi nous voyons que l'intention qui porte nos mots est essentielle. Nous pouvons bien nous battre pour les causes les plus élevées en apparence, si ce combat est issu d'une perception étriquée de la vie, il n'est l'_expression que de la séparation. Nous pouvons être docteur en philosophie, si notre pensée est issue d'un corps pensant et convaincu du caractère ultime de cette limite, il est préférable de se taire. Nous pouvons défendre nos opinions et nos croyances, nos choix et nos griefs, si nous le faisons à partir de l'enfermement, nous projetons l'ombre de nos barreaux sur tout ce que nous faisons et disons. Une pensée qui repose sur le sentiment d'être un corps, irrémédiablement séparé tout en croyant être le centre de l'univers, ne peut pas produire de paroles ou d'actions de valeur, il n'en ressort que vanité et division, illusion et souffrance.
Une pensée qui jaillit d'une conscience vivante est l'_expression d'une vie qui a retrouvé son sens primordial. Cette terreur si familière qui est venue habiter le corps puis a gagné le mental et les émotions est alors balayée par la conscience en un instant.
Mais, au contraire, cette fixation commune sur le corps, et donc sur la mort et la séparation inhérente à la condition humaine coupée de l'essentiel, interdit à la conscience de s'exprimer dans sa force et son intelligence au travers de nos existences personnelles et celles de nos sociétés.
L'oubli de notre nature essentielle conduit une grande partie de l'humanité dans des égarements et des souffrances sans fin. La violence de notre monde est l'_expression du triomphe exclusif de la densité. Nous avons ressenti le poids et nous avons cru qu'il était notre seul destin.
Voyons comment nos croyances, enracinées dans le corps et l'esprit depuis notre naissance ainsi que celles acquises par la suite, contribuent à alimenter cette perception étriquée de la vie.
L'homme qui se pose dans la solitude avec lui-même revient à la conscience. Mais le sentiment de n'être qu'un corps mortel fait obstacle car il ne s'agit pas d'une pensée, plutôt d'une certitude intime et apparemment irrémédiable : « Je suis un corps qui en cherche d'autres pour se compléter, qui cherchent des substances, des extases ou des méthodes pour alléger son poids et qui ne peut pas croire à autre chose qu'à cette réalité que je valide d'ailleurs en regardant ce que semblent vivre les autres autour de moi. »
L'homme est une pierre agitée. La mémoire de sa nature essentielle, libre comme l'eau, ne jaillit plus dans cette identification à la densité. Ses pensées apparaissent les unes après les autres à partir de cette fondation et les émotions sont pétries de cette perception. Ses accomplissements sont tissés de lourdeur et le monde entier pèse d'un poids énorme comme pour étouffer le substrat des consciences.
Nous pouvons faire le jeu de la densité par habitude et par inconscience (observez vos conversations, vos certitudes et vos engouements) mais nous ressentons tous, jusque dans la fibre de notre être, la pression de la masse du monde. Il est des lieux et des personnes qui pèsent des tonnes. Ce n'est pas tant ce qu'elles disent ou ce qu'elles font car, en apparence, souvent, leurs expressions ne semblent pas si particulières. Mais cet oubli fondamental de leur nature fluide et vivante, de la conscience comme la réalité première et dernière, fait de leurs corps et de leurs esprits des boulets à la surface du monde.
La densité a triomphé en tous point de nos sociétés modernes et le poids des administrations comme celui de nos propres indécisions quotidiennes nous maintient dans un univers de lourdeur et de petitesse. Nous faisons le jeu de la densité, souvent à notre insu, parfois avec le sentiment qu'il n'y a pas d'autre choix.
Nous ne sommes pourtant pas ici pour cela.
La densité est la conséquence de l'oubli, d'un regard bordé d'œillères qui limite le champ de la vie à la capsule de chair. Nous avons oublié ce que nous sommes alors même que tout événement et toute rencontre tentent de nous le rappeler. Nous restons souvent déterminés à préserver le poids parce qu'il nous semble un point stable de l'univers. Ce corps de souffrance, traversé par des émotions mal vécues et des sentiments réprimés et auquel nous nous accrochons désespérément et de façon déraisonnable n'est qu'une minuscule éruption de conscience, une densification, éphémère et sans autre objet que de permettre à la conscience de vivre la relation. Mais pour celui ou celle qui se perd dans le jeu, c'est un peu comme se prendre pour le roi, la dame ou le pion dans un jeu d'échecs et souffrir en conséquence de la difficulté que l'on aurait à se mouvoir tout seul sur le damier. La conscience, seule, peut mouvoir toute chose sans effort, et avec une vue d'ensemble.
Dans la contraction crispée sur l'existence du pion qui subit le cours de la partie, nous perdons toute légèreté et tout goût au jeu.
La conscience a accepté de se solidifier pour faire l'expérience de la relation et de l'amour pas pour que nous nous repliions sur nos petits corps au point qu'il ne soit plus possible de vivre dans la légèreté de l'être. Nous sommes plus vastes que nous voulons le croire, plus libres et plus simples à la fois. Mais pour le réaliser, nous devons cesser de nourrir cette perception étriquée de nous-mêmes, de faire le jeu de la densité coupée de la conscience et de porter des masques pathétiques, mondains ou spirituels (c'est égal) qui n'ont pour effet que de nous enfermer un peu plus.
Thierry
Je suis la conscience avant, pendant et après avoir été identifié à ce corps. Avant la naissance du corps et à sa mort, demeure la conscience.
Cette réalisation n'est cependant pas intellectuelle. Il ne suffit pas de l'énoncer pour la vivre. Nous devons plonger profondément au coeur de cette affirmation.
Tout est conscience. La conscience est l'essence de la vie, elle en est sa « forme » essentielle. Le corps en est la forme la plus solide. Entre ces deux extrêmes, les canaux du sentiment, de l'émotion et de la pensée font le lien entre la conscience dans sa nature la plus fluide et le corps, sa forme la plus solide.
Quand l'homme a réalisé sa nature essentielle, les pensées, les émotions et les sentiments circulent librement, sans entrave, sans complaisance et sans fuite non plus. Le pont est alors établi entre le monde matériel et l'espace spirituel au point même que les deux ne semblent faire plus qu'un et l'existence personnelle est nourrie par le souffle de vie primordial.
Une telle existence est libre.
L'homme, enfermé dans le corps et la séparation inhérente à cette perception réduite de la vie, peut s'alourdir considérablement. Sa vie devient dense, pesante, entravée.
Nos pensées peuvent faire le jeu du poids et de la séparation comme elles peuvent être l'_expression de la légèreté de l'être. Deux pensées, en apparence identiques, contribuent dans un cas à l'alourdissement et la séparation et dans un autre à l'allègement et l'unité.
C'est pourquoi nous voyons que l'intention qui porte nos mots est essentielle. Nous pouvons bien nous battre pour les causes les plus élevées en apparence, si ce combat est issu d'une perception étriquée de la vie, il n'est l'_expression que de la séparation. Nous pouvons être docteur en philosophie, si notre pensée est issue d'un corps pensant et convaincu du caractère ultime de cette limite, il est préférable de se taire. Nous pouvons défendre nos opinions et nos croyances, nos choix et nos griefs, si nous le faisons à partir de l'enfermement, nous projetons l'ombre de nos barreaux sur tout ce que nous faisons et disons. Une pensée qui repose sur le sentiment d'être un corps, irrémédiablement séparé tout en croyant être le centre de l'univers, ne peut pas produire de paroles ou d'actions de valeur, il n'en ressort que vanité et division, illusion et souffrance.
Une pensée qui jaillit d'une conscience vivante est l'_expression d'une vie qui a retrouvé son sens primordial. Cette terreur si familière qui est venue habiter le corps puis a gagné le mental et les émotions est alors balayée par la conscience en un instant.
Mais, au contraire, cette fixation commune sur le corps, et donc sur la mort et la séparation inhérente à la condition humaine coupée de l'essentiel, interdit à la conscience de s'exprimer dans sa force et son intelligence au travers de nos existences personnelles et celles de nos sociétés.
L'oubli de notre nature essentielle conduit une grande partie de l'humanité dans des égarements et des souffrances sans fin. La violence de notre monde est l'_expression du triomphe exclusif de la densité. Nous avons ressenti le poids et nous avons cru qu'il était notre seul destin.
Voyons comment nos croyances, enracinées dans le corps et l'esprit depuis notre naissance ainsi que celles acquises par la suite, contribuent à alimenter cette perception étriquée de la vie.
L'homme qui se pose dans la solitude avec lui-même revient à la conscience. Mais le sentiment de n'être qu'un corps mortel fait obstacle car il ne s'agit pas d'une pensée, plutôt d'une certitude intime et apparemment irrémédiable : « Je suis un corps qui en cherche d'autres pour se compléter, qui cherchent des substances, des extases ou des méthodes pour alléger son poids et qui ne peut pas croire à autre chose qu'à cette réalité que je valide d'ailleurs en regardant ce que semblent vivre les autres autour de moi. »
L'homme est une pierre agitée. La mémoire de sa nature essentielle, libre comme l'eau, ne jaillit plus dans cette identification à la densité. Ses pensées apparaissent les unes après les autres à partir de cette fondation et les émotions sont pétries de cette perception. Ses accomplissements sont tissés de lourdeur et le monde entier pèse d'un poids énorme comme pour étouffer le substrat des consciences.
Nous pouvons faire le jeu de la densité par habitude et par inconscience (observez vos conversations, vos certitudes et vos engouements) mais nous ressentons tous, jusque dans la fibre de notre être, la pression de la masse du monde. Il est des lieux et des personnes qui pèsent des tonnes. Ce n'est pas tant ce qu'elles disent ou ce qu'elles font car, en apparence, souvent, leurs expressions ne semblent pas si particulières. Mais cet oubli fondamental de leur nature fluide et vivante, de la conscience comme la réalité première et dernière, fait de leurs corps et de leurs esprits des boulets à la surface du monde.
La densité a triomphé en tous point de nos sociétés modernes et le poids des administrations comme celui de nos propres indécisions quotidiennes nous maintient dans un univers de lourdeur et de petitesse. Nous faisons le jeu de la densité, souvent à notre insu, parfois avec le sentiment qu'il n'y a pas d'autre choix.
Nous ne sommes pourtant pas ici pour cela.
La densité est la conséquence de l'oubli, d'un regard bordé d'œillères qui limite le champ de la vie à la capsule de chair. Nous avons oublié ce que nous sommes alors même que tout événement et toute rencontre tentent de nous le rappeler. Nous restons souvent déterminés à préserver le poids parce qu'il nous semble un point stable de l'univers. Ce corps de souffrance, traversé par des émotions mal vécues et des sentiments réprimés et auquel nous nous accrochons désespérément et de façon déraisonnable n'est qu'une minuscule éruption de conscience, une densification, éphémère et sans autre objet que de permettre à la conscience de vivre la relation. Mais pour celui ou celle qui se perd dans le jeu, c'est un peu comme se prendre pour le roi, la dame ou le pion dans un jeu d'échecs et souffrir en conséquence de la difficulté que l'on aurait à se mouvoir tout seul sur le damier. La conscience, seule, peut mouvoir toute chose sans effort, et avec une vue d'ensemble.
Dans la contraction crispée sur l'existence du pion qui subit le cours de la partie, nous perdons toute légèreté et tout goût au jeu.
La conscience a accepté de se solidifier pour faire l'expérience de la relation et de l'amour pas pour que nous nous repliions sur nos petits corps au point qu'il ne soit plus possible de vivre dans la légèreté de l'être. Nous sommes plus vastes que nous voulons le croire, plus libres et plus simples à la fois. Mais pour le réaliser, nous devons cesser de nourrir cette perception étriquée de nous-mêmes, de faire le jeu de la densité coupée de la conscience et de porter des masques pathétiques, mondains ou spirituels (c'est égal) qui n'ont pour effet que de nous enfermer un peu plus.
Thierry
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